Étiquette : Split Fiction

Split Fiction est une proposition narrative et ludique qui explore la dissémination de choix et de réalités dans un univers vidéoludique. À première vue, le terme désigne une fiction qui se scinde en trajectoires parallèles, mais dans le cadre du jeu, il devient une mécanique centrale: les joueurs naviguent entre des fragments d’histoires, chacun façonnant des chapitres qui coexistent et s’influencent mutuellement. Le design conceptuel invite à envisager l’action non pas comme une progression unique, mais comme un réseau de possibles qui se recalculent à chaque décision.

Sur le plan de l’interface, Split Fiction privilégie des couches d’affichage qui révèlent progressivement les ramifications. Des micro-interactions — choix de dialogue, poinçonnage d’objets, moments de retour en arrière — déclenchent des répercussions qui s’écrivent sur des schémas visuels: rives d’un monde qui se scindent, reflets dans l’eau qui dévient, silhouettes qui apparaissent puis disparaissent. Le joueur observe les conséquences par vagues, découvrant que chaque action ne modifie pas seulement l’ici et maintenant, mais réoriente aussi les histoires disséminées à travers des timelines juxtaposées.

Au cœur de Split Fiction se trouvent des mécanismes de synchronisation et de divergence. Les missions se déploient en versions alternatives: l’un peut choisir de sauver un personnage ou de le trahir, et chaque choix s’étale en fils narratifs distincts qui se recoupent lors de points nodaux communs. Le système de conséquence est bi-directionnel: ce que le joueur modifie dans une timeline peut se matérialiser, sous forme de puzzles, dans une autre, forçant le joueur à revisiter des lieux, à réévaluer des alliances et à renégocier son rapport à la vérité du monde.

L’esthétique de Split Fiction mêle timbres sonores hétérogènes et graphismes fragmentés. Les environnements peuvent se décomposer et se reconstituer, comme si la matière même du jeu pouvait se scinder et se réaggregater au fil des choix. Les personnages portent des anomalies visuelles qui signalent leur appartenance à une timeline particulière: des halos, des reflets, des symboles qui varient selon le parcours emprunté. Cette approche crée une sensation d’encyclopédie vivante, où chaque fragment raconte une version du même destin et invite à une relecture constante.

Sur le plan narratif, Split Fiction privilégie des thématiques de mémoire et de responsabilité. Le joueur est amené à questionner la notion de « vrai » dans un univers où plusieurs vérités coexistent. Les dialogues s’écrivent comme des constellations mouvantes: les choix d’un interlocuteur résonnent sur plusieurs plans, et les répliques se réarrangent selon le chemin suivi. Le récit devient alors une partition où le sens émerge de la cohérenace entre les variantes plutôt que d’un récit linéaire et définitif.

Les défis de gameplay s’orientent vers la résolution de paradoxes et la manipulation de causalités. Des puzzles reposent sur l’anticipation des effets en chaîne, des puzzles de temporalité qui demandent au joueur d’anticiper les répercussions multi-timestamps. La structure multi-timeline encourage l’exploration et la curiosité, en offrant des mécanismes de saut dans le temps, de fusion de fragments narratifs et de réénigmentation du monde par des choix conscients et stratégiques.

En somme, Split Fiction propose une expérience où le récit s’étire en architecture mouvante: un jeu qui ne raconte pas une seule histoire, mais un réseau d’histoires qui se répondent, se contiennent et s’illuminent mutuellement. C’est une invitation à accepter l’incertitude, à explorer les multiples vérités et à écrire, de manière cohérente, son propre chemin à travers les couches superficielles et profondes du monde.