L’Office américain du droit d’auteur refuse l’accès à distance aux jeux épuisés

Alex Vandecker
Alex Vandecker
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Le Bureau américain du droit d’auteur a récemment pris une décision impactante pour la sphère de la recherche sur le jeu vidéo. Il a refusé d’accorder une exemption qui aurait permis aux chercheurs d’accéder à distance aux jeux vidéo épuisés. Cette décision soulève de multiples questions autour des enjeux de la préservation numérique et de l’accès à la culture.

Le contexte législatif en jeu ici est le Digital Millennium Copyright Act (DMCA), qui inclut des règles strictes contre le contournement des mesures de protection des œuvres numériques. En raison de ces réglementations, les bibliothèques et les archives qui souhaitaient rendre ces jeux accessibles à distance auraient dû enfreindre ces protections, chose actuellement prohibée par la DMCA.

La demande d’exemption, soutenue par le Video Game History Foundation et le Software Preservation Network, avait pour but de permettre aux bibliothèques et aux archives de fournir un accès numérique à distance à ces jeux, rendant ainsi la recherche possible sans que les chercheurs aient à se déplacer physiquement dans les locaux où se trouvent les jeux. L’objectif était de transformer l’accès à ces jeux pour qu’ils soient utilisés dans un contexte de recherche, et non pour le divertissement.

Dans leur plaidoirie, les pétitionnaires ont souligné que cet accès à distance ne nuirait pas au marché potentiel ni à la valeur des œuvres protégées par le droit d’auteur, car il se concentrerait exclusivement sur des œuvres qui ne sont plus disponibles dans le commerce. Ils ont argumenté que cette forme d’accès pourrait être perçue comme une « transformation » de l’usage original, ce qui en ferait un cas classique d’utilisation équitable (« fair use »).

Cependant, le Bureau a exigé plus de clarifications concernant le mode d’accès aux jeux. Plus précisément, il n’était pas clair si un jeu devait être accessible uniquement à un utilisateur à la fois, ou s’il devait rester confiné aux locaux physiques de l’institution possédant le titre. Finalement, l’institution a conclu qu’il était nécessaire de conserver à la fois la limitation à un seul utilisateur et la limitation aux locaux pour s’assurer que l’utilisation reste dans le cadre légal et éviter un éventuel préjudice au marché ainsi que des risques significatifs que les jeux préservés soient utilisés à des fins récréatives.

Dans une déclaration suivant la décision, le Video Game History Foundation a exprimé sa déception, pointant du doigt l’Association du Logiciel de Divertissement (ESA) pour avoir fait pression contre leur campagne. L’ESA, lors de l’audience, aurait affirmé qu’elle ne soutiendrait jamais l’accès à distance des jeux pour des fins de recherche, quelles que soient les conditions.

Le Foundation a rappelé l’importance de leur pétition, qui a permis de générer des recherches significatives, notamment leur rapport sur le marché de réédition de jeux vidéo aux États-Unis. Cette étude a montré qu’environ 87 % des jeux vidéo publiés aux États-Unis avant 2010 sont désormais épuisés.

La question de la préservation des jeux vidéo est critique non seulement pour les chercheurs mais aussi pour le patrimoine culturel dans son ensemble. Les jeux vidéo, comme toute forme d’art, reflètent l’époque et la société de leur création. Ils méritent d’être préservés avec la même rigueur que les films, la musique et la littérature.

Ce débat n’est pas unique aux États-Unis. En France, la question de la préservation numérique et de l’accès culturel suscite également une réflexion approfondie, notamment dans le cadre de la loi sur la liberté de la création, l’architecture et le patrimoine promulguée en 2016, qui reconnaît la nécessité de conserver le patrimoine numérique national.

Dans ce contexte, la décision du Bureau américain du droit d’auteur rappelle les défis juridiques et éthiques auxquels sont confrontés ceux qui œuvrent pour la préservation de la culture numérique. La nécessité de trouver un équilibre entre les droits des créateurs et l’accès public à ce patrimoine devient de plus en plus pressante dans une ère résolument numérique.

L’industrie du jeu vidéo, tout en étant une des plus lucratives et influentes de la sphère culturelle mondiale, se retrouve régulièrement à l’intersection de ces débats cruciaux sur le droit d’auteur et le patrimoine numérique. Le combat pour un accès équitable et responsable aux œuvres du passé n’est pas terminé, et il est essentiel que toutes les parties prenantes, y compris les créateurs, les législateurs, les chercheurs et le public, collaborent pour s’assurer que la culture de demain puisse comprendre et apprécier les jeux d’aujourd’hui.

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