Un groupe d’actionnaires a demandé à l’éditeur et développeur du jeu mobile à succès Puzzle & Dragons de « rehausser son niveau », en imputant la responsabilité à son président.
Puzzle & Dragons, lancé en 2012, a été le premier jeu mobile à générer des revenus dépassant le milliard de dollars, un chiffre qui a atteint 6 milliards de dollars à la fin de 2017. Cet exploit a marqué un tournant dans l’industrie des jeux mobiles, attirant des millions de joueurs et transformant le marché.
Cependant, comme l’a révélé Automaton, le conseiller en investissement Strategic Capital a envoyé un rapport de 32 pages à GungHo Online au nom de ses actionnaires, intitulé : « Proposition pour que GungHo Online Entertainment Inc améliore son jeu ». Ce rapport se veut à la fois une critique et une mise en garde pour la direction de l’entreprise.
Dans ce document, GungHo est accusé de s’appuyer continuellement sur le succès de Puzzle & Dragons depuis les 13 années qui ont suivi sa sortie, sans réellement développer d’autres produits performants. L’industrie du jeu est connue pour son innovation constante, et les actionnaires estiment que l’entreprise a échoué à atteindre ce standard.
« Malgré la sortie d’environ 20 jeux depuis Puzzle & Dragons, y compris des titres associés à des franchises populaires telles que Disney et Yo-kai Watch, tous ont été des échecs et l’entreprise n’a pas réussi à sortir de sa dépendance à Puzzle & Dragons », argue le rapport. L’impact de cette dépendance excessive soulève des questions sur la stratégie globale de GungHo et sur sa capacité à innover dans un marché en constante évolution.
Le rapport estime que GungHo a dépensé plus de 100 milliards de yens (environ 645 millions de dollars) pour le développement de nouveaux jeux autres que Puzzle & Dragons, mais que ceux-ci n’ont généré que moins de 10 milliards de yens (environ 64.5 millions de dollars). Un rapport aussi éloquent souligne non seulement l’incapacité de l’entreprise à générer de nouveaux succès, mais aussi la gestion inefficace de ces investissements importants.
« Même par rapport aux consoles qui ont des périodes de développement plus longues, et peu d’essais, 13 ans est un long laps de temps qui ne peut pas être justifié par le simple fait que « developper des jeux est difficile » », avance le rapport. Cette déclaration met en exergue la nécessité pour GungHo de réévaluer ses méthodes de développement et sa vision à long terme.
En 2013, une version de Puzzle & Dragons sur le thème de Mario a été lancée sur la console 3DS de Nintendo, renforçant un peu plus l’importance de la franchise dans le paysage des jeux. Cependant, même cette collaboration emblématique n’a pas suffi à catalyser une série de nouveautés ou une diversification des récents titres de la société.
Le rapport va plus loin en affirmant que par rapport à d’autres géants du jeu comme Nintendo, Capcom, Konami, Sony, Bandai Namco et Square Enix, GungHo est la seule entreprise affichant un retour sur investissement négatif sur 10 ans. En termes de capitalisation boursière, elle est considérablement plus petite que toutes ces entreprises. Les investisseurs s’interrogent ainsi sur la viabilité future de GungHo dans un secteur aussi compétitif.
« Pourquoi comparons-nous GungHo à des entreprises de jeux qui ont des magnitudes de taille plusieurs ordres de grandeur supérieures ? », s’interroge le rapport. « C’est à cause de la rémunération du président Morishita ». Cela soulève des réflexions sur les pratiques de rémunération au sein de l’industrie, notamment lorsque les performances d’une entreprise ne reflètent pas la compensation de ses dirigeants.
Le groupe d’actionnaires soutient que le président et CEO, Kazuki Morishita, a vu sa rémunération augmenter de façon drastique au cours des 10 dernières années, passant de 120 millions de yens (775 000 dollars) à 340 millions de yens (2,19 millions de dollars), même si la capitalisation boursière a chuté de 78% et que le bénéfice d’exploitation a diminué de 69% au cours de la même période. Cela soulève des questions éthiques et de responsabilité au sein des entreprises, surtout en période de crise.
« En comparant la rémunération du président Morishita avec celle des présidents de grandes entreprises de jeux, son salaire est proche de celui de Nintendo, l’une des entreprises de jeux les plus reconnues au monde », arguent les actionnaires. « Au cours des dix dernières années, son salaire n’a jamais été inférieur à ceux de Capcom ou Konami. Cela soulève des préoccupations sur la pertinence de telles rémunérations dans un contexte où les résultats financiers ne justifient pas de tels montants. »
« Par presque tous les critères, GungHo ne serait normalement pas dans la même catégorie que Nintendo, sauf pour une raison mystérieuse : la rémunération des plus hauts dirigeants est comparable », avance le rapport. Cette assertion soulève des questions sur les standards de performance et d’évaluation dans le secteur, où l’écart entre les dirigeants et les employés de première ligne ne cesse de croître.
Il est ajouté : « Bien que le président de GungHo et celui de Nintendo gagnent des salaires similaires, en ce qui concerne les bénéfices, avec moins de 1/10 des bénéfices de Nintendo, on pourrait affirmer que GungHo ne joue même pas dans la même catégorie. » Cette métaphore sportive est révélatrice des inquiétudes des investisseurs quant à l’avenir de l’entreprise et à sa compétitivité sur le marché.
Face à ce constat, il est essentiel que GungHo prenne des mesures proactives pour réorienter sa stratégie d’entreprise. La dépendance excessive à un seul titre phare représente un risque significatif, surtout dans l’industrie dynamique des jeux vidéo, où les tendances changent rapidement et où les goûts des consommateurs peuvent évoluer du jour au lendemain.
Les jeux mobiles, en particulier, sont un secteur où l’innovation et l’interaction avec la communauté des joueurs sont cruciales. Ainsi, GungHo pourrait bénéficier d’une stratégie axée sur l’engagement des utilisateurs et l’exploration de nouvelles franchises, tout en réévaluant ses ressources humaines et financières pour soutenir le développement de futurs jeux prometteurs.
En fin de compte, il est impératif pour GungHo non seulement de répondre aux préoccupations de ses actionnaires, mais aussi de se recentrer sur sa mission d’offrir des expériences de jeu de qualité. En cette ère de transformation numérique, le succès réside dans la capacité à innover tout en tenant compte des attentes des investisseurs et des joueurs. Si l’entreprise parvient à relever ces défis, elle pourra potentiellement retrouver sa position de leader sur le marché des jeux mobiles.